Rapatriement

La problématique à la sauce marocaine

Le Retour : Une Notion Clé et Multiforme dans l’Histoire des Marocains Résidant à l’Étranger

Le mot retour incarne des réalités multiples pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE). Que ce soit un retour choisi, contraint, ou posthume, il reflète les liens profonds et complexes qui unissent les membres de la diaspora marocaine à leur pays d’origine. Il occupe une place centrale dans l’histoire et les récits des communautés immigrées, y compris celle des MRE. Ce terme, profondément ancré dans les dynamiques migratoires, évoque à la fois l’espérance et les réalités souvent complexes du lien entre la diaspora et la terre d’origine.

Pour beaucoup, le retour symbolise un voyage définitif au bled, motivé par le désir de vivre la dernière étape de leur vie auprès des leurs, entourés des traditions et du cadre familier de leur enfance. Ce retour peut être porté par des ressources financières stables, telles qu’une retraite confortable ou des économies substantielles, permettant de s’établir dans la dignité et le confort.

1. Le Retour Volontaire et Définitif

Pour de nombreux MRE, le retour est un projet de vie soigneusement planifié. Il symbolise le désir de retrouver la quiétude de la terre natale, souvent après avoir atteint une stabilité économique grâce à une retraite ou des économies conséquentes. Ce retour volontaire est perçu comme une réussite, un accomplissement personnel et familial. Les individus qui empruntent ce chemin espèrent finir leurs jours dans un cadre familier, auprès de leurs proches, tout en restant enracinés dans leur culture et leurs traditions.

Le retour volontaire est souvent perçu comme une réussite. Après des années d’efforts, de sacrifices et de défis sur des terres étrangères, ces individus reviennent avec un sentiment d’accomplissement. Ils ont pu épargner, construire une carrière, ou bénéficier d’une retraite méritée. Pour beaucoup, ce retour est aussi motivé par le souhait de transmettre à leurs enfants et petits-enfants les valeurs, la langue et les traditions qui les définissent.

Cependant, cette aspiration n’est pas exempte de défis. S’intégrer dans une société parfois perçue comme différente de celle qu’ils ont quittée peut être compliqué. Les attentes idéalisées se heurtent souvent à une réalité où l’adaptation peut prendre du temps. Néanmoins, ces retours sont généralement marqués par une volonté inébranlable de retrouver des liens familiaux forts, de participer à la vie communautaire, et de vivre leurs dernières années dans un cadre culturellement familier.

L’exemple en France : “Prends 10 000 et casse-toi”

Dans l’histoire contemporaine, des politiques de retour volontaire ont été mises en œuvre dans divers pays pour encourager les migrants à retourner dans leur pays d’origine. L’exemple de la France dans les années 1970 illustre bien cette dynamique. Confronté à un contexte de crise économique après le premier choc pétrolier, le gouvernement français a instauré une politique de retour aidé pour réduire le nombre d’immigrés sur son sol. Cette politique, souvent résumée par la formule officieuse “Prends 10 000 et casse-toi”, proposait aux migrants une prime d’aide au retour d’environ 10 000 francs à condition qu’ils quittent définitivement la France.

Cette initiative visait principalement les travailleurs immigrés venus massivement après la Seconde Guerre mondiale pour soutenir la reconstruction et le développement industriel. Bien que les intentions officielles se soient appuyées sur l’idée d’un retour volontaire et honorable, la manière dont cette politique a été perçue variait considérablement. Certains y voyaient une opportunité financière pour repartir avec un capital de départ, tandis que d’autres y percevaient une injonction déguisée et une absence de véritable reconnaissance des contributions des immigrés au développement économique français.

Ce programme a rencontré un succès limité, car nombre de migrants avaient déjà construit leur vie en France, avec des attaches familiales et sociales solides. Il révèle toutefois les complexités inhérentes aux politiques de retour volontaire, qui mêlent souvent des considérations économiques, politiques et sociales.

Une réflexion contemporaine

Aujourd’hui, les retours volontaires ne s’inscrivent plus dans un cadre aussi contraignant ou institutionnel. Ils traduisent une volonté personnelle et, souvent, un sentiment d’accomplissement. Les MRE qui retournent au Maroc le font, non pas sous la pression d’une politique d’État, mais par désir de retrouver leurs racines et de mener une vie épanouissante dans un environnement culturellement familier. Cependant, l’exemple des politiques passées, comme celle de la France, montre l’importance de respecter la dignité des individus et de les accompagner efficacement dans leurs choix de vie.

2. Le Retour Posthume : Le Rapatriement

Cependant, il existe une autre forme de retour, plus sombre mais inévitable : le rapatriement posthume. Ce dernier fait référence au transfert des dépouilles vers la terre natale pour y être enterrées. Ce phénomène est particulièrement répandu chez les Marocains résidant à l’étranger, qui, malgré les distances géographiques, conservent un profond attachement spirituel et culturel à leur pays d’origine.

Le Rapatriement : Une Réalité Économique et Administrative

Les modalités de rapatriement varient selon les pays d’origine. En Tunisie, par exemple, les frais de rapatriement sont pris en charge par l’État pour les citoyens à l’étranger, une mesure introduite dès l’époque de Habib Bourguiba. En Algérie, une évolution récente a vu la mise en place de politiques similaires pour alléger le fardeau des familles endeuillées.

Au Maroc, la situation est différente. La prise en charge des frais de rapatriement dépend de plusieurs facteurs, notamment l’existence d’une assurance décès. Si le défunt disposait d’une telle assurance, celle-ci couvre l’ensemble des coûts liés au rapatriement, y compris le fret du cercueil et les démarches administratives.

Pour les personnes non assurées, la situation devient plus complexe. Les frais de rapatriement, qui peuvent atteindre 2500 à 3000 euros, doivent être avancés par la famille. Si la personne décédée possédait un compte bancaire au Maroc avec un solde suffisant, celui-ci peut être mobilisé pour couvrir ces coûts. À défaut, les familles doivent souvent se tourner vers les consulats, qui peuvent intervenir dans certains cas exceptionnels pour organiser le transfert.

Un Attachement Identitaire et Spirituel

Cette volonté de « retour », même dans la mort, illustre l’attachement inébranlable des MRE à leur terre natale. Cet attachement va au-delà des considérations financières ou administratives ; il est profondément enraciné dans des traditions culturelles et religieuses. Pour nombre de MRE, reposer dans le sol marocain est une manière de rester connecté à leur histoire, à leurs ancêtres, et à leur identité.

3. Le Retour Contraint : Une Épreuve d’Échec

Un autre type de retour, souvent passé sous silence, concerne les MRE en situation irrégulière qui, faute de réussir leur projet migratoire, sont contraints de revenir au Maroc. Ce retour n’est ni choisi ni glorieux. Il est vécu comme un échec personnel, social et économique.

Pour ces personnes, l’expérience migratoire est marquée par des épreuves souvent traumatisantes :

  • Une précarité constante, avec des emplois non déclarés ou mal rémunérés.
  • L’absence de droits sociaux, combinée à la peur permanente d’une expulsion.
  • L’incapacité de subvenir aux attentes économiques des familles restées au pays, pour lesquelles l’émigration est souvent perçue comme un gage de réussite.

Le retour au Maroc pour ces personnes est un moment délicat, où elles doivent affronter non seulement leurs propres sentiments d’échec, mais aussi le regard de la société. Ce retour met en lumière des enjeux cruciaux :

  • L’accompagnement psychologique et social des individus rapatriés.
  • La création d’opportunités d’intégration économique pour leur permettre de retrouver une dignité et un rôle actif dans la société.
  • La sensibilisation des jeunes aux risques de l’émigration irrégulière, tout en répondant aux causes structurelles de ce phénomène, telles que le chômage et le manque de perspectives au Maroc.

Une Vision Holistique du Retour

Ces trois types de retour montrent que l’expérience des MRE ne se limite pas à la réussite ou à l’éloignement. Elle est un reflet des dynamiques migratoires mondiales, des politiques publiques, et des aspirations individuelles. Le Maroc, en tant que pays d’origine, a une responsabilité particulière pour accompagner tous ses ressortissants, quel que soit leur parcours migratoire.

Enjeux et Recommandations

Face à ces réalités, plusieurs pistes pourraient être explorées pour mieux soutenir la diaspora dans ces moments critiques :

  1. Mettre en place un fonds national dédié au rapatriement des dépouilles, financé par des contributions volontaires ou des partenariats public-privé.
  2. Simplifier les démarches administratives pour les familles endeuillées, avec un accompagnement renforcé par les consulats et les associations de la société civile MRE.
  3. Promouvoir des assurances adaptées aux besoins des MRE, avec des primes abordables et des garanties couvrant spécifiquement le rapatriement.
  4. Une mesure de reconnaissance et prise en charge gratuite pour les personnes âgée qui ont plus de 20 ans (par exemple) à l’étranger

En conclusion, la question du retour, qu’il soit définitif ou posthume, reflète les liens indéfectibles entre les MRE et le Maroc. Ces liens méritent d’être soutenus par des politiques inclusives et solidaires, qui renforcent l’identité et le sentiment d’appartenance des Marocains où qu’ils se trouvent dans le monde.

IMPORTANT : Voir aussi la problématique du rapatriement des dépouilles mortelle Exhumée ou dont le décès est causé par la COVID-19